Retour sur l’exposition de Laëtitia Grün
« Sous les Feuilles »
- D’où vient la choix de faire des dessins à stylo à bille et encre bleu ?
J’ai commencé à dessiner au stylo à bille au cours de ma deuxième année à l’Ecole des Beaux Arts de Grenoble. À cette époque, j’arpentais souvent la montagne et emportais dans mon sac à dos le strict nécessaire pour dessiner : un stylo, une gomme, un crayon et du papier. Travailler avec des outils et matériaux modestes, faciles à trouver n’importe où, sur de petits formats aisés à transporter, a été déterminant dans ma pratique artistique ; car en effet, je suis libre de pouvoir créer sans dépendre d’un lieu, d’un atelier.
Pour le choix de la couleur, le bleu, je crois que c’est celle qui correspond pleinement à la profondeur et à la poésie que je cherche à insuffler à mes dessins.
- La subtilité du trait permet de représenter les variations de la lumière, quelle technique tu utilises pour rendre les nuances et les ombres dans tes dessins ?
Comme tu le mentionnes dans ta question, c’est la subtilité du trait qui me permet de représenter les variations de la lumière ; c’est donc en jouant sur l’intensité, l’orientation ou encore la densité du trait que j’obtiens un nuancier de bleus. Il m’arrive aussi de travailler l’encre de stylo à bille comme de la peinture et de réaliser ainsi des aplats au pinceau.
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Ton expo propose aux spectateurs une balade immersive dans la nature : comment l’activité de marcher est en relation avec l’activité de dessiner et comment ta passion pour la montagne a influencé la création de tes dessins ?
Les notions de répétition, de geste, et d’unité sont présentes dans mon travail et entrent en résonance avec la marche. A travers ce geste de hachures, ce trait répété que je trace sur la feuille, je cherche à reproduire la mécanique corporelle qui s’opère lors de longues marches. Cet état où le corps exécute un mouvement automatique, laissant les pensées suivre leurs courts.
Il existe un lien entre les paysages que je dessine et mes propres émotions : la montagne a longtemps été un sujet car elle est évocatrice de grands espaces, de hauts sommets sur lesquels on se hisse pour prendre de la hauteur, voir loin, contempler son horizon et déterminer des choix de vie, d’avenir.
Aujourd’hui, c’est la forêt, la magie qui l’entoure et son aura mystique qui, à l’heure de l’introspection, vient nourrir mon travail.
- « Rendre la poésie de l’instant » est le but de ta démarche artistique. Comment apprendre à regarder poétiquement le paysage ?
Pour commencer, je citerai Antoine de Saint Exupéry et sa célèbre phrase du Petit Prince : » On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».
On ne peut apprendre à regarder le paysage de manière poétique ; l’organe de la poésie n’est pas l’œil mais le cœur. Il faut ressentir le monde, sa beauté et avoir une volonté d’accéder à l’invisible, au romantisme.